Les incidences de la loi PACTE sur les seuils d’effectif

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Les incidences de la loi PACTE sur les seuils d’effectif

La loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi Pacte », réforme les seuils d’effectifs et modifie sur de nombreux points les dispositifs d’épargne salariale. Mais ce n’est pas tout…

Le cabinet PB AVOCATS vous propose de faire le point sur les incidences de la loi Pacte en droit social.

Ils sont de trois ordres :

  • Les seuils d’effectif (I) ;
  • Les mesures en faveur de l’épargne salariale (II) ;
  • La réforme de l’épargne retraite (III).

Cette semaine, le cabinet PB AVOCATS vous parle des seuils d’effectif.

I. Les seuils d’effectif 

Selon l’étude d’impact de la loi, il existait 199 seuils d’effectif qui concernaient notamment le Code du travail (88 seuils), le Code de commerce (39 seuils) et le Code général des impôts (32 seuils). Une multiplication des seuils qui créait, selon le gouvernement, un « environnement juridique peu lisible, complexe et source d’anxiété pour le chef d’entreprise ».

L’état du droit antérieur s’agissant des seuils d’effectif constituait en effet un véritable sac de nœuds dont il était parfois bien difficile de se dépêtrer, même pour les chefs d’entreprise chevronnés.

Pour remédier à cet imbroglio de seuils, la loi Pacte a prévu trois catégories de mesures :

  • une harmonisation du mode de calcul des effectifs salariés en étendant à d’autres législations le mode de décompte des effectifs actuellement prévu dans le Code de la sécurité sociale (1) ;
  • une rationalisation des seuils d’effectifs existants (en regroupant ceux se situant à des niveaux proches et en réduisant, dans une certaine mesure, le nombre de seuils de vingt salariés, puis en supprimant certains seuils intermédiaires) (2) ;
  • l’instauration d’un mécanisme unifié d’atténuation des effets de seuils qui prévoit, d’une part, qu’un seuil n’aura d’incidence pour une entreprise que s’il est dépassé durant cinq années consécutives et, d’autre part, qu’un seuil perdra ses effets contraignants pour une entreprise dès que cette dernière se situera, ne serait-ce qu’une année seulement, en dessous de ce seuil (3).

La réforme des seuils entrera en vigueur le 1er janvier 2020, sous réserve de quelques exceptions : les dispositifs actuels de lissage sont maintenus à titre transitoire et le nouveau mécanisme de limitation des effets de seuils ne s’appliquera pas aux entreprises déjà assujetties en 2019.

  1. Harmonisation du mode de calcul des effectifs : l’effectif « Sécurité sociale » devient la référence

Il est désormais prévu que l’effectif salarié annuel de l’employeur, y compris lorsqu’il s’agit d’une personne morale comportant plusieurs établissements, correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente (CSS art. L. 130-1, I, al. 1 nouveau).

Pour mémoire, ce mode de calcul de l’effectif « Sécurité sociale » est mis en œuvre dans le cadre de la DSN (Déclaration sociale nominative), laquelle permet un décompte automatique des effectifs.

1-1   Harmonisation des seuils dans le Code du travail

Les modalités de décompte de l’effectif « Sécurité sociale » sont désormais applicables aux dispositions suivantes du Code du travail :

Objet de la disposition nécessitant la détermination de l’effectif salarié Référence
Désignation, dans les entreprises d’au moins 250 salariés d’un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. C. trav., art. L. 1151-2 nouveau
Désignation, dans les entreprises d’au moins 250 salariés d’un référent handicap. C. trav., art. L. 5213-6-1, al. 2 nouveau
Fixation de la contrepartie obligatoire sous forme de repos due en cas d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel. C. trav., art. L. 3121-33, I, 3° modifié et L. 3121-38, al. 2 nouveau
Obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) applicable dans les entreprises d’au moins 20 salariés. C. trav., art. L. 5212-1, al. 3 et 4 nouveaux
Octroi de l’aide unique aux employeurs d’apprentis. C. trav., art. L. 6243-1-1 rétabli
Obligation, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, d’abonder le compte personnel de formation des salariés. C. trav., art. L. 6315-1, II, al. 7 nouveau et L. 6323-13, al. 6 nouveau

C. trav., art. L. 6323-17-5, al. 4 nouveau

Participation des employeurs au développement de la formation professionnelle. C. trav., art. L. 6331-1 A nouveau
Financement de la formation professionnelle par les opérateurs de compétences. C. trav., art. L. 6332-1 A nouveau
Prêt de main-d’œuvre aux jeunes ou aux petites et moyennes entreprises (PME) pour le franchissement du seuil de 250 salariés. C. trav., art. L. 8241-3, I, al. 4 nouveau
Intéressement, participation, épargne salariale. Loi art. 155, I-1°, 10° et 20° modifiant les articles L. 3311-1, L. 3321-1 et L. 3331-1 du Code du travail
Participation, intéressement, PEE (bénéfice de l’accord aux dirigeants d’entreprise). Loi art. 155, I-2°, 18° et 21° modifiant les articles L. 3312-3, L 3324-2 et L. 3332-2 du Code du travail

En outre, la loi Pacte autorise l’extension de ces règles, par voie de Décret, aux seuils réglementaires relatifs aux obligations suivantes (art. L. 1231-7, L. 4228-1, L. 4461-1 et L. 4621-2) :

  • Transmission dématérialisée à Pôle emploi des attestations chômage par les entreprises de 10 salariés et plus (C. trav. art. R. 1234-9) : ce seuil devrait être relevé à « au moins 11 salariés », d’après les travaux parlementaires ;
  • Mise à disposition d’un local de restauration (C. trav. art. R. 4228-22) ;
  • Mise à disposition d’un emplacement permettant de se restaurer (C. trav. art. R. 4228-23) : un Décret devrait porter ce seuil à 50 salariés et introduire une clause prévoyant que les entreprises qui avaient un local de restauration avant l’adoption de la loi et qui ne seraient plus soumises à l’obligation après, conservent leur local ;
  • Désignation, dans les entreprises de moins de 10 salariés, d’une personne tierce pour assurer la fonction de conseiller à la prévention hyperbare (C. trav. art. R. 4461-4) : ce seuil devrait être relevé à 11 salariés ;
  • Tenue, dans les entreprises de plus de 50 salariés, d’un document sur les changements de secteur et d’affectation du médecin du travail (C. trav. art. R. 4623-13) : ce seuil pourrait être rationalisé à « au moins 50 salariés ».

Le ou les Décrets en question n’ont pas encore été promulgués. Une actualité spéciale sera publiée dès qu’ils auront été publié au Journal officiel.

Pour l’appréciation des seuils à partir desquels les entreprises doivent se doter d’un règlement intérieur ou fournir un local aux sections syndicales, l’effectif reste décompté selon les règles prévues par le Code du travail « dans un souci de stabilité juridique ». Il en va de même pour les autres seuils d’effectif concernant la représentation du personnel (CSE, notamment).

1-2   Harmonisation des seuils dans le Code de la sécurité sociale

Sont concernés par l’harmonisation du mode de calcul des effectifs :

  • la contribution au Fnal ;
  • le forfait social ;
  • la tarification des accidents du travail ;
  • la réduction générale de cotisations patronales ;
  • la déduction de cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de moins de 20 salariés ;
  • l’exonération de cotisations patronales dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) ;
  • l’exonération de cotisations sociales applicable en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin pour les entreprises occupant moins de 11 salariés (CSS, art. L. 752-3-2, V modifié) ;
  • le recouvrement des cotisations par l’Urssaf : dates et périodicité de paiement, dates de souscription de la DSN et obligation pour certaines entreprises de verser leurs cotisations auprès d’une Urssaf interlocuteur unique (VLU) ;
  • le contrôle Urssaf.

1-3   Harmonisation dans les autres législations spéciales

S’agissant des autres législations, l’effectif sécurité sociale et les règles de franchissement des seuils sont notamment étendus :

  • aux seuils relatifs à l’immatriculation au répertoire des métiers et au registre des entreprises des personnes souhaitant relever du secteur de l’artisanat (Loi n°96-603 du 5 juillet 1996, art. 19 modifié) ;
  • au décompte des effectifs applicables à certaines règles relatives aux chèques-vacances financés par l’entreprise (acquisition par les chefs d’entreprise de moins de 50 salariés y ayant personnellement droit et exonérations sociales) (C. tourisme, art. L. 411-1 et L. 411-9 modifiés) ;
  • au seuil d’assujettissement au versement de transport (CGCT, art. L. 2333-64, I, al. 5 et L. 2531-2, I, al. 2 modifié) ;
  • à la participation des employeurs à l’effort de construction (CCH, art. L. 313-1, al. 7 nouveau) ;
  • aux solutions de covoiturage pour les déplacements entre le domicile et le lieu de travail des salariés des entreprises d’au moins 250 salariés (C. des transports, art. L. 1231-15, al. 2 nouveau) ;
  • à la possibilité pour les entreprises de moins de 20 salariés de bénéficier des aides du fonds de prévention des risques naturels majeurs (C. de l’environnement, art. L. 561-3, III nouveau) ;
  • à la contribution des employeurs agricoles d’au moins 50 salariés à l’effort de construction (C. rur., art. L. 716-2, al. 8 nouveau).
  1. Recentrage des seuils sur 3 niveaux

L’article 11 de la loi Pacte procède à une rationalisation des niveaux de seuils d’effectifs en privilégiant les seuils de 11, 50 et 250 salariés. Pour ce faire, l’article 11 :

  • ajuste certains seuils dans un souci de lisibilité ;
  • en relève d’autres ;
  • et réduit le nombre de ceux fixés à 20 salariés.

2-1   Ajustement de seuils

Certains seuils étaient très proches tout en étant distincts, ce qui est de nature à créer des confusions (« à partir de x salariés », « à compter de x salariés », « jusqu’à x salariés », « au moins x salariés », « plus de x salariés »…). Des ajustements ont donc été opérés afin d’harmoniser les formulations :

  • le seuil relatif à l’exonération de cotisations patronales d’assurances sociales et d’allocations familiales pour les salariés embauchés dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) passe de « plus de 50 » à « au moins 50 » salariés (CSS art. L. 241-19, II, al. 1 modifié) ;
  • l’effectif des entreprises dans lesquelles le chef d’entreprise, le président, le directeur général, le gérant, les membres du directoire et le conjoint collaborateur ou associé peuvent bénéficier de l’accord d’intéressement, de participation ou du plan d’épargne d’entreprise, est désormais compris entre « au moins 1 et moins de 250 » salariés (contre 1 et 250 salariés auparavant) (C. trav. art. L. 3312-3, al. 1, L 3324-2, al. 3 et L. 3332-2, al. 2) ;
  • les PME pouvant bénéficier du prêt de main-d’œuvre sont celles dont l’effectif est de « moins de 250 salariés », contre « au maximum 250 » auparavant (C. trav. art. L 8241-3, I, 1° modifié) ;
  • le seuil en dessous duquel l’immatriculation au Répertoire des métiers ou au Registre des entreprises est obligatoire pour les activités artisanales passe de « pas plus de 10 » à « moins de 11 » salariés (Loi n°96-603 du 5 juillet 1996, art. 19, I, al. 2 modifié). Ce relèvement de seuil est également applicable pour l’immatriculation facultative à ces mêmes Répertoire et Registre des personnes exerçant l’activité de fabrication de plats à consommer sur place (Loi précitée art. 19, I, al. 3 modifié).

2-2   Augmentation de seuils

Divers seuils ont été relevés par l’article 11 de la loi Pacte. Les seuils les plus significatifs sont repris ci-dessous.

Passent de 20 à 50 salariés :

  • le seuil d’assujettissement à la contribution au Fnal au taux réduit (CSS, art. L. 834-1, 1° modifié) ;
  • le seuil d’assujettissement à la participation à l’effort de construction (CCH, art. L. 313-1, al. 1 modifié) ;
  • le seuil au-dessus duquel un règlement intérieur est obligatoire au sein de chaque entreprise ou établissement (C. trav., art. L. 1311-2, al. 1).

Passe de 200 à 250 salariés le seuil à partir duquel s’applique l’obligation de communication aux actionnaires des 10 ou des 5 rémunérations les plus importantes de l’entreprise, selon que l’effectif excède ou non ce seuil (C. com., art. L. 225-115, 4° modifié).

2-3   Suppression de seuils 

Sont supprimés :

  • le seuil en dessous duquel le conjoint du chef d’entreprise peut opter pour le statut de conjoint collaborateur s’il travaille dans l’entreprise (C. com., art. L. 121-4, II, al. 1 modifié). Ce seuil était auparavant fixé à 20 salariés par l’article R. 121-3 du Code de commerce ;
  • le seuil de 25 salariés à partir duquel s’applique l’obligation pour l’employeur émettant ses titres-restaurant au profit des salariés d’avoir un compte bancaire ou postal dédié au versement des fonds perçus en contrepartie de leur cession. Désormais tous les employeurs devront ouvrir un compte dédié, quel que soit l’effectif de l’entreprise (C. trav., art. L. 3262-2 modifié).
  1. Instauration d’un mécanisme d’atténuation des effets de seuil

La loi prévoit un mécanisme de lissage de l’effet de seuil à la suite du franchissement, à la hausse ou à la baisse, d’un niveau d’effectif.

3-1   Franchissement d’un seuil à la hausse

La loi Pacte instaure un gel de 5 ans dans l’application de toute obligation s’imposant à une entreprise qui vient de franchir un seuil. Ainsi, désormais, le franchissement à la hausse d’un seuil d’effectif salarié est pris en compte lorsque ce seuil a été atteint ou dépassé pendant 5 années civiles consécutives (CSS, art. L. 130-1, II, al. 1 nouveau).

3-2   Franchissement d’un seuil à la baisse

La loi Pacte prévoit que le franchissement à la baisse d’un seuil d’effectif sur une année civile a pour effet de faire à nouveau courir la règle de prise en compte du franchissement à la hausse précité (CSS, art. L. 130-1, II, al. 2 nouveau). Autrement dit, une entreprise dont la diminution de l’effectif conduit à la faire passer sous un seuil disposera à nouveau de 5 ans pour être soumise à l’obligation attachée au franchissement à la hausse du seuil en question.

3-3   Exceptions

L’obligation de se doter d’un règlement intérieur dans les entreprises ou établissements employant au moins 50 salariés s’applique au terme d’un délai de 12 mois à compter de la date à laquelle ce seuil a été atteint, conformément aux dispositions de l’article L. 2312-2 du Code du travail.

Par ailleurs, l’article 155 de la loi Pacte prévoit que le gel du franchissement de seuil pendant 5 ans ne s’applique pas au seuil d’effectif de 1 salarié prévu pour accorder au chef d’entreprise, à son conjoint et aux dirigeants le bénéfice d’un accord d’intéressement (C. trav., art. L. 3312-3 modifié), d’un accord de participation (C. trav., art. L. 3324-2 modifié) ou d’un PEE (C. trav., art. L. 3332-2 modifié).

Camille RENOY
Avocat collaborateur

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