Loi PACTE : les enjeux majeurs en Droit des Sociétés

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Loi PACTE : les enjeux majeurs en Droit des Sociétés

La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises s’inscrivant dans le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE a pour objectif de faciliter la création d’entreprises en France, simplifier leur gestion et les rendre plus innovantes, afin de doper la compétitivité des entreprises françaises.

Le volet droit des sociétés de la loi PACTE comprend, notamment, les dispositions suivantes :

  1. La création de société facilitée et à moindre coût

Afin de simplifier les démarches administratives des entreprises, la loi PACTE a mis en place plusieurs mesures, rendues possibles grâce au développement du numérique :

  • Une plateforme en ligne unique pour la création des entreprises (article 1 de la loi PACTE)

Afin de faciliter les démarches administratives des entreprises, la loi PACTE entend substituer aux sept réseaux de centres de formalités des entreprises (CFE) un guichet unique. Il s’agira d’une interface unique pour toutes les formalités des entreprises (création, modification de leur situation ou cessation de leur activité), quels que soit l’activité, la forme juridique ou le lieu d’implantation de la société.

Cette plateforme sera mise progressivement en place à partir de 2021 et devrait entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2023.

  • Un registre général des entreprises dématérialisé (article 2 de la loi PACTE)

Aujourd’hui, il existe plusieurs registres diffusant des informations sur les entreprises (registre du commerce et des sociétés, répertoire national des métiers, registre des actifs agricoles …), ce qui peut être source de complexité pour les chefs d’entreprises.

Afin de rendre ces informations plus accessibles et alléger les démarches d’immatriculation, la loi PACTE entend créer, par voie d’ordonnance, un registre général dématérialisé. Ce registre unique aura pour objet de recueillir, conserver et permettre la diffusion des informations légales des entreprises.

  • Les annonces judiciaires et légales disponibles en ligne

Aujourd’hui, seule la presse imprimée est habilitée par les préfectures pour publier les annonces judiciaires et légales et la diffusion d’une annonce légale coûte en moyenne 200 euros à une entreprise.

La loi PACTE prévoit d’habiliter les services de presse électronique pour publier des annonces légales. A partir de 2020, les sites Internet qui proposent de l’information locale pourront publier des annonces légales pour leur département.

Par ailleurs, afin de réduire les coûts pour les entreprises, le prix pour une annonce légale de création de société va devenir forfaitaire. Ce sera également le cas pour d’autres types d’annonces légales. Le prix ne dépendra donc plus de la longueur de l’annonce et de l’adresse du siège social de l’entreprise. De plus, le montant de cette tarification forfaitaire devrait baisser progressivement dans les cinq prochaines années.

  1. Redéfinition de la place des entreprises dans la société (articles 169 et 176 de la loi PACTE)

51% des français considèrent qu’une entreprise doit être utile pour la société. C’est pourquoi la loi PACTE dispose que l’entreprise doit désormais être gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. La référence aux enjeux sociaux et environnementaux invite par exemple à une prise de conscience des entreprises sur les risques et les opportunités de leurs activités. Toutefois, il est à déplorer que la loi ne définisse pas la notion d’intérêt social.

Cependant, si tout dirigeant doit désormais prendre ses décisions en ayant conscience de ces enjeux, ni la nullité de la société ni la nullité des actes et délibérations des organes de la société ne saurait être recherchée en raison de leur inobservation.

Par ailleurs, la loi PACTE a modifié l’article 1835 du Code civil, permettant ainsi aux sociétés qui le souhaitent de se voir reconnaître une « raison d’être », qu’elles pourront inscrire dans leurs statuts.

Avec cette « raison d’être », le législateur a créé un nouveau statut juridique : celui de société à mission (L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 176). Les entreprises peuvent ainsi publiquement faire état de leur qualité de société à mission uniquement si elles respectent certaines conditions et, notamment, la condition suivante : « ses statuts précisent une raison d’être, au sens de l’article 1835 du Code civil ».

  1. Le relèvement des seuils de désignation des commissaires aux comptes (article 20 de la loi PACTE) 
  • Les seuils pour l’audit légal obligatoire des sociétés commerciales (certification des comptes)

Le décret n°2019-514 du 24 mai 2019 (JO du 24 mai 2019), premier décret d’application de la loi PACTE, a fixé à la hausse les nouveaux seuils de désignation des commissaires aux comptes, quelle que soit la forme juridique de la société (SNC, SARL, SAS, SCS, ainsi que pour les SA et SCA – auparavant désignation obligatoire dès leur création). La mesure est entrée en vigueur au jour de la publication du décret.

Dans son rapport sur « La certification légale des comptes des petites entreprises françaises » de mars 2018, l’Inspection des finances relevait que la France avait fait le choix de fixer des seuils peu élevés d’audit légal, privilégiant ainsi la sécurisation de la fiabilité des comptes, alors même que la certification légale des comptes, principale mission confiée aux commissaires aux comptes, présentait une charge financière importante pour les entreprises, et notamment les plus petites d’entre elles.

Avec la loi PACTE, la tendance s’est inversée et la France a décidé de privilégier l’objectif de simplification et d’allégement des charges afin de favoriser le développement des petites entreprises au détriment de la fiabilité de l’information financière fournie par ces dernières.

Sans surprise, ce décret reprend les seuils européens de l’audit légal figurant à l’article 34-1 de la Directive comptable 2013/34/UE du 26 juin 2013.

Ainsi, une entreprise devra avoir recours à un commissaire aux comptes afin de faire certifier ses comptes dès lors qu’elle remplit au moins deux critères sur les trois suivants :

  • Avoir un bilan supérieur ou égal à 4 millions d’euros (contre 1.550.000 € auparavant et
    000.000 € pour les SAS) ;
  • Avoir un chiffre d’affaires hors taxes supérieur ou égal à 8 millions d’euros (contre 3.100.000 € auparavant et 2.000.000 € pour les SAS) ;
  • Avoir un effectif supérieur ou égal à 50 personnes (contre 50 également et 20 personnes pour les SAS auparavant).

Par conséquent la désignation d’un commissaire aux comptes est facultative en-dessous de ces seuils mais peut néanmoins intervenir à la demande des associés.

Par ailleurs, la loi PACTE a prévu que les mandats en cours à la date de la publication de ce décret se poursuivront jusqu’à leur terme.

Attention toutefois aux statuts des sociétés qui peuvent parfois contenir les anciens seuils de nomination des commissaires aux comptes. Dans ce cas, il faudra changer les statuts avant de décider de ne pas renouveler le mandat du commissaire aux comptes, au cours de la prochaine assemblée générale ordinaire, si les nouveaux seuils ne sont pas dépassés.

  • La création de seuils différents pour les petits groupes de sociétés

Le commissaire aux comptes est obligatoire dans les sociétés qui contrôlent au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce d’autres sociétés, dès lors que l’ensemble formé par la mère et ses filiales excèderait les seuils d’audit rehaussés précités.

Ainsi, le commissaire aux comptes est obligatoire dans les sociétés mères qui :

  • ne publient pas de comptes consolidés ;
  • ne sont pas des entités d’intérêt public ;
  • contrôlent une ou plusieurs sociétés ;
  • dépassent les seuils précités.

Le commissaire aux comptes est également obligatoire dans les filiales qui dépassent deux des trois seuils (fixés à la moitié des seuils européens) suivants :

  • 2 millions d’€ de chiffre d’affaires hors taxes ;
  • 4 millions d’€ de total bilan ;
  • 25 salariés en moyenne.

Le commissaire aux comptes cesse d’être obligatoire lorsque les seuils ne sont plus atteints au cours des deux exercices qui précèdent l’expiration de son mandat.

  • Désignation volontaire d’un ou plusieurs commissaire(s) aux comptes à la demande des associés

La désignation d’un commissaire aux comptes est enfin obligatoire à la demande d’un ou de plusieurs associé(s). Ils doivent représenter :

  • au moins le quart du capital social dans les SNC et les SARL ;
  • au moins le dixième du capital social dans les sociétés anonymes, les SAS et les sociétés en commandite par actions.

En cas de désignation volontaire, ces sociétés peuvent décider de limiter la durée du mandat du commissaire aux comptes à trois (3) exercices.

  1. La simplification de la transformation des entreprises (article 196 de la loi PACTE)

La loi PACTE instaure trois mesures permettant de faciliter la transformation des entreprises, à savoir :

La procédure de liquidation judiciaire est très coûteuse et dure en moyenne deux ans et demi. Désormais, la procédure de liquidation judiciaire sera simplifiée afin de clôturer les procédures plus rapidement (entre 6 et 9 mois) si :

  • les entreprises n’emploient pas plus d’un salarié;
  • et que leur chiffre d’affaires est inférieur à 300.000 euros.

Avec la loi PACTE, la procédure de liquidation judiciaire simplifiée pourrait devenir la procédure habituelle pour les petites entreprises.

  • Mise en place d’un recours plus automatisé à la procédure de rétablissement professionnel

Un recours plus automatisé à la procédure de rétablissement professionnel permettrait aux entrepreneurs de rebondir plus facilement. Cette procédure permet d’effacer les dettes d’une entreprise. Les conditions d’ouverture de cette procédure sont les suivantes :

  • L’entreprise ne doit pas avoir de salarié;
  • Et l’entreprise doit détenir moins de 5.000 euros d’actifs.
  • L’uniformisation des règles en matière d’insolvabilité par la transposition de la Directive européenne n°2017/1132 dite « restructuration et insolvabilité » du 06 juin 2019

Des procédures préventives seront développées afin de minimiser le nombre de liquidations judiciaires. Les créanciers seront classés par ordre. Les délais et coûts des procédures d’insolvabilité seront réduits en prévoyant notamment la compétence des autorités administratives et judiciaires en charge des procédures et l’usage des moyens électroniques de communication.

  1. Des modifications concernant les dirigeants de sociétés cotées (article 197 de la loi PACTE)

Dans un objectif de transparence quant au statut des dirigeants pour les grandes sociétés cotées, la loi PACTE renforce l’obligation d’information sur les rémunérations des dirigeants.

La loi introduit des mesures de comparaison entre l’évolution de la rémunération des dirigeants et celle des salariés. Ainsi, le rapport sur le gouvernement d’entreprise des sociétés cotées devra faire figurer les écarts entre la rémunération des dirigeants et les salaires moyens des salariés, mais aussi avec le salaire médian de ces derniers.

De plus, l’évolution de ces ratios au cours des cinq derniers exercices devra être précisée. Ce nouveau ratio d’équité mettra donc l’accent sur les écarts de rémunération qui existent, mais aussi sur leur évolution.

  1. Modernisation du régime juridique des actions de préférence

La loi PACTE a modifié certaines caractéristiques du régime des actions de préférence. Néanmoins, afin de ne pas bouleverser les droits attachés aux actions existantes, ces mesures ne sont applicables qu’aux actions de préférence émises à compter de l’entrée en vigueur de la loi PACTE.

On relèvera en particulier les modifications suivantes :

  • Droit de vote multiple

Jusqu’à présent, la loi n’autorisait, dans les SA et les SCA, que la suppression du droit de vote, le droit de vote simple ou, dans certaines conditions, le droit de vote double.

La Loi PACTE supprime le renvoi au principe de proportionnalité du droit de vote dans les sociétés par actions non cotées, autorisant ainsi celles-ci à émettre des actions de préférence à droit de vote multiple. Ainsi, il est désormais possible d’émettre des actions de préférence dont la préférence (positive ou négative) sera (seule ou non) la disposition de droits de vote multiples. Ce faisant, la loi PACTE permet l’émission d’actions de préférence à droit de vote multiple dans ces sociétés, soit des actions disposant d’un demi droit de vote, d’un droit de vote triple, décuplé, etc.

Cet outil à disposition de toutes les sociétés par actions non cotées sera très utile pour conférer des droits politiques forts à certains actionnaires tout en limitant leur dilution au capital.

  • Droit préférentiel de souscription (DPS)

Jusqu’à présent, la suppression du DPS était réservée aux seules actions de préférence disposant d’un droit limité aux dividendes, aux réserves ou à la liquidation (préférence financière négative) et privées de droit de vote.

Désormais, toutes les actions de préférence disposant d’une préférence financière négative sont, sauf stipulations contraires des statuts, privées de DPS.

Cette extension constitue un assouplissement de nature à mettre fin à des situations incongrues et à faciliter la structuration des opérations de levées de fonds. Elle permettra de mieux calibrer les actions de préférence en cause à la situation de l’émetteur et aux demandes des investisseurs sans avoir à supprimer le droit de vote des actions répondant à un besoin particulier et ne justifiant pas forcément la disposition d’un DPS.

  1. La représentation équilibrée des sexes au sein des conseils d’administration et des conseils de surveillance

La loi PACTE impose aux sociétés des obligations en termes de représentation des femmes et des hommes dans le conseil d’administration et le conseil de surveillance : la proportion des administrateurs de chaque sexe ne peut être inférieure à 40 %. Lorsque le conseil d’administration est composé au plus de huit (8) membres, l’écart entre le nombre des administrateurs de chaque sexe ne peut être supérieur à deux (2).

Cette loi exige que le conseil d’administration et le conseil de surveillance mettent en place un processus de sélection garantissant jusqu’à son terme la présence d’au moins une personne de chaque sexe parmi les candidats. Ces propositions de nomination doivent s’efforcer de rechercher une représentation équilibrée des femmes et des hommes.

Par ailleurs, la loi prévoyait jusqu’à présent que toute nomination intervenue en violation de l’obligation de proportion homme/femme et n’ayant pas pour effet de remédier à l’irrégularité de la composition du conseil était nulle. Mais cette nullité n’entraînait pas celle des délibérations auxquelles avait pris part l’administrateur irrégulièrement nommé. A présent, la loi PACTE prévoit que les délibérations, auxquelles a participé un membre du conseil d’administration ou un membre du conseil de surveillance nommé en violation des règles de représentation équilibrée des deux (2) sexes, sont désormais nulles. 

  1. Le renforcement de la représentation des salariés dans les instances de direction de leurs entreprises 
  • Renforcement de la présence des salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance

La Loi PACTE s’intéresse aux administrateurs salariés dans les entreprises de plus de 1.000 salariés. Elle prévoit que les sociétés soumises à l’obligation de désigner des administrateurs salariés doivent avoir au moins deux (2) administrateurs salariés, dès lors que leur conseil d’administration ou de surveillance compte plus de huit (8) administrateurs non-salariés (contre 12 auparavant), à l’exception des sociétés dont l’activité principale est d’acquérir et de gérer des filiales et des participations (des « holdings »), si les conditions suivantes sont réunies :

  • elles ne sont pas soumises à l’obligation de mettre en place un comité sociale et économique (CSE) ;
  • elles détiennent une ou plusieurs filiales, directes ou indirectes, soumises à l’obligation de nommer des représentants des salariés dans le Conseil d’administration ou le conseil de surveillance ;
  • elles détiennent des actions qui ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé ou au mois 4/5ème de ses actions sont détenues, directement ou indirectement, par une personne physique ou une société agissant seule ou de concert.
  • Les représentants des salariés actionnaires

La loi PACTE prévoit que, dans les sociétés cotées, lorsque les actions détenues par le personnel de la société, ainsi que par le personnel de sociétés qui lui sont liées représentent plus de 3 % du capital social de la société, un ou plusieurs administrateur(s) salariés est/sont élu(s) par l’assemblée générale des actionnaires.

La loi PACTE impose la même obligation pour les sociétés non cotées, lorsque l’une ou l’autre des conditions suivantes est remplie, à la clôture de deux (2) exercices successifs :

  • la société et ses filiales, directes ou indirectes, emploient au moins 1.000 salariés permanents et a son siège social fixé sur le territoire français ;
  • la société et ses filiales, directes ou indirectes, emploient au moins 5.000 salariés permanents (peu importe le lieu du siège social).
  • La formation des représentants des salariés

La Loi PACTE revoit la formation des représentants des salariés au sein des conseils d’administration et de surveillance afin de leur permettre de mieux analyser les enjeux des décisions qui y sont prises pour leur entreprise et ainsi de mieux faire valoir leur point de vue. Pour cela, elle double la durée du temps de formation des représentants des salariés : celle-ci passe de 20 heures/an à 40 heures/an.

Ensuite, elle impose qu’une partie de la formation soit effectuée au sein de la société ou au sein d’une de ses filiales.

Enfin, la loi prévoit aussi que les salariés qui exercent leur premier mandat débutent leur formation dans les quatre (4) mois qui suivent leur élection.

  1. Transparence et contrôle des conventions réglementées

La loi PACTE prévoit une série de dispositions, portant transposition de la Directive 2017/828 du 17 mai 2017 dite « droits des actionnaires », ayant pour objectif une meilleure transparence et un plus grand contrôle des conventions réglementées, à destination des sociétés par actions. Ces dispositions prévoient, notamment :

  • L’obligation pour toute personne intéressée directement ou indirectement par une convention réglementée d’en informer la société ;
  • L’information des actionnaires sur les conventions conclues entre un mandataire social ou actionnaire de la société disposant d’une fraction de droits de vote supérieure à 10% et toute société contrôlée au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ;
  • L’obligation pour les sociétés cotées de publier sur leur site internet des informations concernant les conventions réglementées ;
  • L’obligation pour les sociétés cotées de mettre en place une procédure d’évaluation régulière des conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales.

PB Avocats

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