Action en paiement d’un créancier d’une société civile en procédure collective contre un associé : quel point de départ de la prescription ?

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Action en paiement d’un créancier d’une société civile en procédure collective contre un associé : quel point de départ de la prescription ?
La décision d’admission de la créance au passif de la procédure collective d’une société …

Une banque avait consenti à une société civile immobilière (SCI), un crédit destiné à financer l’acquisition d’un immeuble. La SCI ayant été mise en redressement judiciaire le 30 avril 2007, puis en liquidation judiciaire le 29 avril 2008, la banque a déclaré sa créance, laquelle a été admise à titre privilégié.

La banque n’ayant été payée que partiellement par le liquidateur sur le prix de vente de l’immeuble, elle a assigné, par un acte en date du 12 février 2015, l’un des associés ès qualité, en paiement du solde au prorata des droits de ce dernier dans le capital social.

Celui-ci a opposé à la banque la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale prévue à l’article 1859 du code civil, aux termes duquel : « Toutes les actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers et ayants cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société » (v. Cass. com. 15 mars 2011, n° 10-10.601).

Les juges du fond ont déclaré l’action de la banque contre l’associé prescrite, ce qu’a contesté la banque. En effet, celle-ci estime que la décision d’admission d’une créance déclarée dans le cadre de la liquidation judiciaire d’une société civile est opposable aux associés à l’égard desquels elle a autorité de chose jugée. Ainsi les associés de SCI, tenus à l’égard des tiers indéfiniment des dettes sociales à proportion de leurs parts dans le capital social, ne peuvent se prévaloir de la prescription éventuelle de la créance.

… ne prive pas l’associé d’opposer au créancier la prescription de l’article 1859 du code civil

Toutefois, la Cour de cassation n’est pas de cet avis et rejette le pourvoi pour deux raisons.

D’une part, « l’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’admission de la créance au passif de la procédure collective d’une société ne prive pas l’associé, poursuivi en exécution de son obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales, d’opposer au créancier la prescription de l’article 1859 du code civil, distincte de celle résultant de la créance détenue contre la société, et propre à l’action du créancier contre l’associé ».

On a du mal à imaginer à quel délai de prescription serait soumise l’action en paiement du créancier social contre l’associé au titre de son obligation aux dettes sociales, sinon au délai de prescription de droit commun qui se trouve d’ailleurs être, depuis la réforme de la prescription civile, également quinquennale (C. civ., art. 2224). À suivre le raisonnement du créancier, l’on a le sentiment que, d’après lui, l’action en paiement contre l’associé serait imprescriptible. Rien ne le justifierait.

D’autre part, la Cour de cassation affirme « qu’en cas de liquidation judiciaire d’une société civile de droit commun, la déclaration de créance au passif de cette procédure dispense le créancier d’établir l’insuffisance du patrimoine social ; qu’il en résulte que le créancier, serait-il privilégié, qui a procédé à la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société, n’est pas dans l’impossibilité d’agir contre l’associé ».

Par conséquent, il n’y a aucune raison de différer le point de départ du délai de prescription dans la mesure où la banque n’était pas dans l’impossibilité d’agir contre l’associé. En effet, même s’il n’était pas établi que le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire ait été publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), la banque avait déclaré sa créance le 5 juin 2008, ce qui manifestait sa connaissance du prononcé de la liquidation judiciaire.

En conclusion, l’action exercée par la banque contre l’associé de la SCI le 12 février 2015 était prescrite puisqu’elle a été exercée près de sept ans après le point de départ du délai de prescription.

Com. 20 mars 2019, n° 17-18.924, F-P+B

Marie LE GARGASSON
Elève Avocat

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