Bail commercial : Attention à adresser sa demande de renouvellement au bon interlocuteur en cas de locaux « démembrés »

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Bail commercial : Attention à adresser sa demande de renouvellement au bon interlocuteur en cas de locaux « démembrés »

À l’expiration d’un bail commercial, le locataire qui respecte les conditions d’application du statut des baux commerciaux bénéficie d’un droit au renouvellement.

Ce droit d’ordre public (aucune clause du bail ne peut y faire obstacle) est très important à tel point qu’il est souvent qualifié de « propriété commerciale ».

La mise en œuvre de ce droit au renouvellement par le locataire est également très importante afin d’éviter que le bail commercial tacitement reconduit n’excède la durée de douze ans et que le déplafonnement du loyer joue de plein droit.

Néanmoins, ce droit au renouvellement obéit à des formalités précises.

Ainsi, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail commercial doit en faire la demande au bailleur par acte d’huissier ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (depuis la Loi Macron du 6 août 2015 pour cette dernière faculté).

Mais qu’en est-il lorsque les locaux loués sont démembrés (la pleine propriété étant divisé en usufruit et nue-propriété) ? À qui le locataire doit-il adresser sa demande de renouvellement ?

Le cas du démembrement de la propriété des locaux loués

La Cour de cassation répond à cette question dans un arrêt du 19 octobre 2017 (Cass. 3ème civ. 19 octobre 2017 n°16-19.843).

Dans le cas soumis à la Cour de cassation, le bailleur de locaux commerciaux était décédé et son fils devenu nu-propriétaire était intervenu à l’acte de renouvellement conclu avec la locataire, une société de Boucherie-Charcuterie.

Au terme du bail renouvelé, la société locataire avait notifié une nouvelle demande de renouvellement à la veuve du bailleur initial, usufruitière des locaux.

En retour, la veuve du bailleur initial avait signifié son défaut de qualité pour accéder à la demande de renouvellement. La locataire n’avait néanmoins pas notifié la demande de renouvellement à un autre interlocuteur ensuite de ce retour de la veuve du bailleur.

Peu de temps après, le bailleur avait délivré un congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer fortement majoré et avait assigné la société locataire pour voir constater la nullité de la demande de renouvellement adressée à la veuve du bailleur initial.

L’enjeu pratique de la question relative à la validité de la demande de renouvellement était le déplafonnement du loyer pour un bail dont la durée excède douze ans (déplafonnement automatique).

La Cour de cassation juge que la demande de renouvellement du bail commercial est nulle dès lors que l’unique destinataire de cette demande était l’usufruitière du bien loué : « Mais attendu qu’ayant relevé que la demande de renouvellement du bail commercial avait eu pour unique destinataire l’usufruitière du bien loué, la cour d’appel, […] a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision [de nullité de la demande de renouvellement] » (Cass. 3ème civ. 19 octobre 2017 n°16-19.843).

La conséquence est lourde pour la société locataire puisqu’elle subissait ainsi le déplafonnement automatique du loyer, au titre de la durée du bail (au-delà de la date du douzième anniversaire du bail).

La confirmation d’une jurisprudence constante

Il s’agit de la jurisprudence constante en la matière qui est rappelée dans cet arrêt.

En effet, il avait déjà été jugé qu’en cas d’usufruit, la demande de renouvellement devait être adressée à l’usufruitier et au nu-propriétaire (CA Toulouse 31-7-2012 n° 11/05985), l’usufruitier n’ayant pas le pouvoir de donner à bail, ou de renouveler le bail, sans le consentement du nu-propriétaire (Cass. 3e civ. 24 mars 1999 n° 97-16.856 ; Cass. 3e civ. 21 mai 2014 n° 13-16.578).

Ainsi, lorsque les locaux loués sont démembrés, le locataire doit adresser sa demande de renouvellement du bail commercial à l’usufruitier et au nu-propriétaire.

Une solution sévère mais logique

Ce principe découle d’un principe énoncé à l’article 595 du Code civil lequel prévoit que l’usufruitier ne peut consentir un bail commercial sans le concours du nu-propriétaire, article qui ne comporte aucune distinction entre conclusion du bail initial et renouvellement.

Cette solution semble également logique dans la mesure où le bail renouvelé constitue un nouveau bail.

Il convient donc pour le locataire d’un bail commercial d’être particulière vigilant, lorqu’il adresse sa demande de renouvellement, à bien identifier le bailleur et à vérifier que le droit de propriété sur les locaux objets du bail n’est pas démembré.

PB Avocats

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