Chauffeur VTC et requalification en contrat de travail : des critères de requalification précisés

1708
Chauffeur VTC et requalification en contrat de travail : des critères de requalification précisés

Le cadre juridique applicable aux chauffeurs VTC fait décidément couler beaucoup d’encre.

Les plateformes type UBER ont bouleversé tout un pan du marché du travail, et les actions en requalification des contrats liant les chauffeurs VTC aux plateformes sont de plus en plus nombreuses.

Rappelons que la qualification juridique d’un contrat (contrat d’entreprise, de travail, agent commercial…) ne dépend pas du nom qui lui est donné par les parties, mais de la réalité pratique de la relation contractuelle.

Pour qu’un contrat soit qualifié de contrat de travail, il faut réunir trois éléments :

Si l’un ou l’autre de ces critères est manquant, la relation contractuelle ne saurait être requalifiée en contrat de travail.

Le lien de subordination est le critère le plus contesté et difficile à établir dans le cadre des relations contractuelles entre chauffeur VTC et plateforme.

Une définition classique du lien de subordination

Dans un arrêt du 4 mars 2020, la Cour de cassation a énoncé que « le lien de subordination repose sur le pouvoir de l’employeur de donner des instructions, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le non-respect des instructions données ». Sur la base de cette définition, les juges français ont requalifié un certain nombre de contrats de chauffeurs VTC en véritable contrat de travail (le chauffeur ne constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses prix, se voit imposer des itinéraires sous risque de sanctions, …).

Cet arrêt a été au cœur des médias et des débats doctrinaux pendant des mois. De nombreux professionnels du droit se sont mis à l’affût des décisions des juges du fond, et, surtout, d’une nouvelle décision de la Cour de cassation.

Une définition précisée : attention, l’existence d’un service organisé au niveau de la plateforme n’est qu’un « indice » de subordination et ne suffit pas à caractériser un contrat de travail !

Par un arrêt du 13 avril 2022 (pourvoi n°20-14.870), la Cour de cassation a précisé sa jurisprudence, notamment concernant le lien de subordination juridique : « Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution. »

Les mots « peut » et « indice » sont ici essentiels. L’existence de ce service organisé n’est en effet qu’un « indice » du lien de subordination et ne saurait nullement suffire à obtenir une requalification en contrat de travail ; il reviendra encore au chauffeur VTC de démontrer de manière plus factuelle les modalités d’exécution du travail, le pouvoir de contrôle de la plateforme, et les sanctions appliquées en cas de non-respect.

En l’espèce, les juges de la cour d’appel de Paris, saisis du litige entre un chauffeur VTC et une plateforme, avaient requalifié le contrat du chauffeur VTC en contrat de travail, aux motifs « que le chauffeur n’avait pas le libre choix de son véhicule, qu’il y avait interdépendance entre les contrats de location et d’adhésion à la plateforme, que le GPS permettait à la société de localiser, en temps réel, chaque véhicule connecté, de manière à procéder à une répartition optimisée et efficace des courses, en termes de temps de prise en charge de la personne à transporter et de trajet à effectuer, et d’assurer ainsi un contrôle permanent de l’activité du chauffeur, que la société fixait le montant des courses qu’elle facturait au nom et pour le compte du chauffeur, et qu’elle modifiait unilatéralement le prix des courses, à la hausse ou à la baisse en fonction des horaires (…) ; que la société disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du chauffeur, à travers le système de notation par les personnes transportées prévu à l’article 3 de son contrat d’adhésion. »

Insuffisant pour la Cour de cassation, qui rappelle que l’existence de ce service organisé ne suffit pas, à elle seule, à caractériser l’existence d’un contrat de travail. Le chauffeur VTC avait en l’espèce failli à démontrer qu’il avait reçu « des directives sur les modalités d’exécution du travail, que [la plateforme] disposait du pouvoir d’en contrôler le respect et d’en sanctionner l’inobservation ».

C’est dit : le simple choix unilatéral du véhicule, la fixation unilatérale du prix, la notation (qui n’est pas en soi un pouvoir de sanction d’un employeur, mais une expression de la satisfaction de la clientèle), etc., ne sont pas de nature à démontrer, à eux seuls, un lien de subordination.

L’arrêt de la cour d’appel est cassé par la Cour de cassation, et l’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Paris (autrement composée) pour être rejugée.

Le chauffeur VTC aura donc une nouvelle chance de présenter différemment ses arguments et de compléter son dossier. Mais les plateformes sont désormais particulièrement vigilantes dans la rédaction et l’exécution des contrats de leurs chauffeurs VTC.

Le suspens reste entier.

Cass. Soc., 13 avril 2022, 20-14.870

PB Avocats

Cet article vous a plu ? Partagez-le !
54321
(0 votes. moyenne 0 sur 5)