Notification d’exclusion d’un associé de SAS : quel degré de précision est exigé ?

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Notification d’exclusion d’un associé de SAS : quel degré de précision est exigé ?

Exclure un associé d’une société par actions simplifiée (SAS) n’est jamais un acte anodin. La SAS, par sa grande liberté statutaire, permet aux associés de prévoir eux-mêmes les conditions de l’exclusion. Mais jusqu’où cette liberté va-t-elle ? Et surtout, quel degré de précision la notification d’une exclusion doit-elle atteindre pour être valable ? Une récente décision de la Cour de cassation (Cass. com. 12 février 2025, n° 23-20079) permet d’éclairer cette problématique cruciale pour les praticiens du droit et les chefs d’entreprise.

Le cadre juridique de l’exclusion dans la SAS

La SAS est gouvernée principalement par les articles L. 227-1 et suivants du Code de commerce. Selon l’article L. 227-16, les statuts peuvent librement organiser l’exclusion d’un associé, en fixer les motifs, les modalités, et les conséquences. En l’absence de disposition légale spécifique, ce sont donc les statuts qui font la loi des parties, conformément au principe de la force obligatoire du contrat (ancien article 1134 du Code civil, aujourd’hui repris aux articles 1103 et 1104).

En matière de notification d’exclusion, aucune règle impérative n’impose une forme ou un contenu particulier, sauf stipulations statutaires contraires. Dès lors, le respect de la procédure définie par les statuts est déterminant.

L’apport de la jurisprudence récente

Dans l’affaire jugée le 12 février 2025, la société avait prévu dans ses statuts que l’exclusion d’un associé devait être précédée :

    • D’une notification par lettre recommandée avec accusé de réception,
    • Précisant la mesure envisagée,
    • Les motifs de cette mesure,
    • Et la date de la réunion appelée à statuer.

    Or, la notification adressée à l’associé visé se bornait à indiquer qu’il travaillait pour une société concurrente, sans préciser ni l’identité de cette société, ni la nature de l’activité exercée, ni les éléments de preuve détenus.
    La cour d’appel avait considéré cette notification insuffisamment précise et annulé l’exclusion.

    La Cour de cassation casse cet arrêt : elle juge que les statuts n’exigeaient pas un niveau de détail aussi élevé. Dès lors que les motifs de l’exclusion étaient mentionnés, même de manière sommaire, la procédure statutaire était respectée.
    La Haute juridiction rappelle aussi que l’exclusion dans une SAS, relevant de la liberté contractuelle, n’est pas soumise aux exigences du droit à un procès équitable de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

    La portée critique de cette décision

    La solution adoptée par la Cour de cassation est conforme à l’esprit du droit des sociétés par actions simplifiée : primauté de la volonté des parties et minimalisme du contrôle judiciaire. Elle confirme que :

      • Le respect formel des statuts prime : si les statuts exigent uniquement la mention des motifs sans autre précision, aucune information complémentaire n’est requise.
      • La procédure d’exclusion reste contractuelle : les associés sont libres de prévoir des garanties renforcées… ou non.
      • Le contrôle du juge est limité : il ne s’agit pas pour lui de substituer ses exigences à celles librement décidées par les associés.

      Cependant, cette position n’est pas sans risques : en pratique, une notification insuffisamment circonstanciée peut fragiliser la défense de l’associé visé et alimenter un contentieux fondé sur l’abus de droit ou le détournement de procédure.
      Dès lors, même en l’absence d’obligation, il reste conseillé aux sociétés de fournir un minimum d’éléments factuels pour prévenir toute contestation future.

      Conclusion

      En matière d’exclusion d’un associé de SAS, la précision de la notification dépend exclusivement des stipulations statutaires. Tant que les statuts ne l’imposent pas, l’identité du concurrent, l’activité exercée ou les preuves détenues n’ont pas à être communiquées.

      Néanmoins, la prudence recommande de privilégier la transparence, en détaillant suffisamment les faits reprochés pour limiter les risques de contentieux sur l’abus de majorité ou le respect du contradictoire.

      Ainsi, bien que la Cour de cassation fasse primer la lettre des statuts, les praticiens doivent veiller à anticiper les besoins de protection des sociétés… et des associés eux-mêmes.

      Cass. com. 12 février 2025, n° 23-20079

      PB Avocats

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