Peut-on faire payer un salarié pour les dommages qu’il a causés à l’entreprise ? Si la réponse paraît intuitive, le droit du travail français y oppose une exigence redoutable : seule une faute lourde peut justifier la condamnation pécuniaire du salarié. Ce principe, issu du principe selon lequel l’employeur est responsable des actes commis par les salariés dans l’exercice de leurs fonctions, vient d’être réaffirmé par un arrêt du 6 mai 2025 de la chambre sociale de la Cour de cassation.
La faute lourde comme condition de la réparation
Le salarié, en raison de son lien de subordination avec l’employeur, bénéficie d’un régime protecteur : en principe, ce dernier supporte seul les conséquences des fautes commises dans le cadre de l’exécution du contrat de travail. Ce n’est qu’en cas de faute lourde, révélant une intention délibérée de nuire à l’employeur, que la responsabilité pécuniaire du salarié peut être engagée. Cette exigence fait l’objet d’une jurisprudence constante (notamment Cass. soc., 28 oct. 2003, n° 01-43.450 et Cass. soc., 6 mai 2025, n° 23-13.302).
La faute lourde ne doit pas être confondue avec la faute grave, puisque celle-ci ne suppose pas que le salarié ait agi avec l’intention de nuire à son employeur.
Rappel des faits
Une vendeuse licenciée pour faute grave s’était vue réclamer par son employeur près de 6 000 euros, correspondant à des avantages tarifaires accordés à des tiers extérieurs à l’entreprise. La cour d’appel de Poitiers avait fait droit à cette demande, y voyant un comportement fautif justifiant réparation.
Dans son arrêt du 6 mai 2025 (n° 23-13.302), la Cour de cassation casse la décision d’appel. Elle rappelle avec fermeté que la responsabilité pécuniaire du salarié ne peut être engagée qu’en cas de faute lourde, laquelle suppose une intention de nuire qui n’était pas démontrée en l’espèce. La Cour de cassation refuse donc de faire peser sur la salariée la charge de la demande en remboursement sollicitée par l’employeur.
Conclusion
Cette position peut apparaître sévère pour les employeurs, notamment en cas de préjudice avéré. Mais elle invite les entreprises, qui sont censées assurer leur activité et supporter le risque d’entreprise, à sécuriser leurs dispositifs internes (contrôle des avantages, délégations, formations).



