À travail égal, salaire égal ? Pas toujours, surtout après une fusion

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À travail égal, salaire égal ? Pas toujours, surtout après une fusion

Un salarié découvre qu’un collègue transféré d’une autre société à l’occasion d’une fusion perçoit une rémunération plus élevée pour des fonctions équivalentes. Immédiatement, une question surgit : s’agit-il d’une inégalité salariale prohibée ?

Pour répondre, il faut articuler deux principes essentiels : le principe du maintien des contrats en cas de transfert et le principe d’égalité de rémunération.

Le transfert des contrats : un maintien obligatoire des conditions antérieures

L’article L. 1224-1 du Code du travail impose, en cas de fusion, cession ou transformation juridique, le transfert automatique des contrats de travail au nouvel employeur.
Ce transfert n’est pas symbolique : il emporte le maintien du contrat de travail et donc des clauses contractuelles, notamment :

  • Le salaire de base,
  • Les primes et accessoires,
  • L’ancienneté,
  • Les avantages individuels acquis.

Concrètement, un salarié transféré arrive avec sa “carte salariale” d’origine, que le nouvel employeur est tenu de respecter.

L’égalité de rémunération : un principe fort, mais pas absolu

Le principe « à travail égal, salaire égal » (art. L. 3221-2 et L. 3221-3 C. trav.) commande qu’à travail identique ou de valeur équivalente, la rémunération soit comparable.

Toutefois, ce principe tolère des différences, à condition qu’elles reposent sur :

  • Une justification objective (fondée sur des éléments de fait),
  • Pertinente (en lien avec l’emploi ou les conditions de travail),
  • Vérifiable (susceptible d’être démontrée).

L’égalité n’est donc pas un concept « rigide ».

La position des juges : le transfert d’entreprise peut justifier un écart

Cass. soc., 8 octobre 2025, n° 24-19.775

La Cour de cassation affirme que la différence entre salariés “transférés” et salariés “historiques” peut être pleinement justifiée lorsqu’elle découle directement du maintien des conditions antérieures imposé par l’article L. 1224-1 du Code du travail.

L’idée est simple :
le nouvel employeur ne peut pas diminuer la rémunération des transférés,
➡ il n’est pas tenu d’aligner à la hausse le salaire des salariés déjà présents dans l’entreprise.

L’inégalité apparente trouve ainsi son origine dans une obligation légale, et non dans une décision arbitraire.

Preuve : un mécanisme en deux temps

La démonstration de l’inégalité de traitement obéit à un régime probatoire spécifique, en deux phases.

Le salarié doit présenter des éléments laissant supposer une différence de rémunération injustifiée :

  • Fonctions identiques,
  • Compétences semblables,
  • Écarts mesurables sur le salaire ou les accessoires.

Il n’a pas à prouver l’inégalité : seulement à la rendre plausible.

Si le salarié remplit sa part de la charge de la preuve, il revient alors à l’employeur d’apporter les justifications objectives à l’origine de l’inégalité :

  • Maintien contractuel lié au transfert,
  • Particularités des clauses d’origine,
  • Existence d’avantages compensant certaines contraintes, etc.

Le juge examine la réalité et la pertinence de ces motifs, ainsi que leur cohérence avec l’ensemble des éléments de rémunération.

Conclusion : une différence possible, mais jamais sans raison

Après une fusion, un écart de rémunération n’est ni automatiquement illégal ni automatiquement légitime.
Lorsqu’il résulte du maintien légal du contrat de travail des salariés transférés, il constitue une justification recevable au regard du principe d’égalité de rémunération.

L’essentiel est donc :

  • D’identifier clairement l’origine de l’écart,
  • D’examiner la rémunération dans son ensemble (salaire + accessoires),
  • Et de documenter les raisons avancées en cas de contestation.

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