Action en comblement de passif : la « négligence » du dirigeant de société ne suffit plus !

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Action en comblement de passif : la « négligence » du dirigeant de société ne suffit plus !

Dans un souci de sévérité à l’égard des sociétés, le législateur a créé une sanction patrimoniale à l’encontre du dirigeant de toute société qui a commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif d’une société en liquidation judiciaire.

Il résulte de l’article L. 651-2 du Code de commerce que :

« Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. »

Cette sanction est plus connue sous le nom de « comblement du passif social ».

Rappel des contours de l’action en comblement de passif

Le liquidateur de la société ou le Ministère public peuvent agir en comblement de passif à l’encontre du dirigeant.

Tous les dirigeants de droit ou de fait de sociétés en liquidation judiciaire peuvent être poursuivis en comblement de passif.

Cette action en comblement de passif se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire (art. L 651-2, al. 3), sans considération de la date de réalisation des fautes de gestion (Cass. com. 8 avril 2015 n° 13-28.512).

La condition de mise en œuvre de l’action est double :

  • il faut une mise en liquidation judiciaire de la société ayant fait apparaître une insuffisance d’actif ;
  • il faut que le dirigeant ait commis une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance.

En principe, toute faute de gestion, même légère, peut entraîner la mise en cause de la responsabilité des dirigeants sociaux.

Il peut s’agir de la méconnaissance de règles de droit des sociétés ou encore de la tenue d’une comptabilité irrégulière, du défaut de déclaration de la cessation des paiements lorsque l’entreprise ne peut faire face au passif exigible avec son actif disponible etc …

La nouvelle exonération de la loi « Sapin 2 » : la faute par négligence

Toutefois, la loi dite « Sapin 2 » du 9 décembre 2016 a choisi d’insérer au premier alinéa de l’article L. 651-2 du code de commerce une formule très importante : « Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée ».

En clair, une simple négligence dans la gestion de la société ne peut plus être qualifiée de faute de gestion (art. L 651-2, al. 1 modifié par loi 2016-1691 du 9 décembre 2016).

L’action en comblement de passif est donc écartée en cas de simple « négligence ».

La question se posait de la date d’entrée en vigueur de cette nouvelle disposition.

Date d’entrée en vigueur de l’exonération

La Cour d’appel de Versailles a répondu à cette question dans un arrêt récent :

« A défaut de disposition spécifique de la loi du 9 décembre 2016 rendant cette modification applicable aux procédures ouvertes avant l’entrée en vigueur de la loi et cette modification ne relevant ni d’une loi de procédure ou de compétence ni d’un texte interprétatif, le nouvel article L. 651-2 du code de commerce n’est applicable qu’aux procédures collectives ouvertes après le 11 décembre 2016. » (CA Versailles 7 novembre 2017 n° 17/04229).

En clair, désormais pour toute procédure collective ouverte depuis le 11 décembre 2016, le dirigeant qui a été simplement négligent ne peut plus être condamné au comblement du passif social.

Restera à la jurisprudence de préciser la définition des faits pouvant être qualifiés de simple « négligence » par opposition aux comportements « actifs » qui pourraient entraîner pour leur part une condamnation …

Louise BARGIBANT
Avocat collaborateur

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